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« Je cours retrouver mon père, » me dit-elle en passant devant moi, et l’instant d’après elle franchissait le seuil de la petite porte blanche.

Sa mère ainsi que Holdsworth l’avaient parfaitement vue, ce qui dispensait de toute explication. La chère tante mit poliment cette fuite sur le compte de l’extrême chaleur ; Holdsworth n’ajouta pas le moindre commentaire et resta coi tout le reste de la journée.

De lui-même il n’aurait pas repris le portrait ; il le fit cependant à sa première visite, sur l’expresse requête de mistress Holman, mais eh assurant que, pour la simple esquisse qu’il se proposait il n’avait pas besoin de poses régulières et prolongées. Aucun changement ne se manifesta chez ma cousine quand je la revis après cette brusque sortie, dont elle n’essaya jamais de me donner le mot.

Et les choses marchèrent ainsi, sans aucun incident particulier qui se soit fixé dans ma mémoire, jusqu’à la récolte des pommes. Les gelées nocturnes avaient commencé ; les matinées, les soirées étaient brumeuses, mais à midi le soleil brillait, et ce fut vers le milieu du jour que, nous trouvant tous deux sur la ligne, nous résolûmes, Holdsworth et moi, de consacrer à la cueillette de Hope-Farm le temps que nos ouvriers allaient prendre pour dîner et faire leur sieste.

Nous trouvâmes, comme nous nous y attendions, toute la maison encombrée de vastes corbeilles à linge, emplies cette fois de fruits odorants ; c’est la dernière moisson de l’année, le signal d’une joie communicative. Les feuilles jaunies frissonnaient au moindre souffle du vent, toutes prêtes à quitter la branche. Dans le potager, les marguerites de la Saint-Michel, disposées en épais massifs, se pavanaient pour la dernière fois, étalant leur couronne de fleurs. Il fallut goûter toutes les espèces de