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paraissait éveillée, car il me dit avec l’accent du reproche :

« Vous ne m’aviez jamais raconté, Paul, que votre oncle fût un homme si remarquable !

— Je ne le savais pas moi-même, répondis-je avec un reste de mauvaise humeur, et d’ailleurs vous ne m’auriez pas écouté comme vous écoutez mon père.

— Ceci est probable, répliqua-t-il, accompagnant cet aveu d’un de ces bons rires sympathiques par lesquels il savait clore nos petites querelles et qui en effaçaient chez moi jusqu’au plus léger souvenir. Je lui pardonnai immédiatement son intervention indiscrète et la confusion où m’avait jeté sa mauvaise plaisanterie.

Il avait une autre méthode, non moins certaine, de gagner mon cœur : c’était de me parler de mon père, comme lui seul savait en parler, avec une chaleur, une conviction d’enthousiasme qui me pénétraient de reconnaissance. Il admirait en lui non-seulement le mécanicien de génie, mais l’ouvrier fils de ses œuvres, le lutteur intrépide domptant les circonstances rebelles, arrivant de lui-même, sans aide, sans protection, à la science, à la renommée, à la fortune, et gardant malgré tout sa simplicité, sa bonté natives.

« Votre oncle me paraît de même calibre, ajouta-t-il. J’aimerais vraiment à le connaître.

— Rien de plus simple. On sera très-heureux de vous voir à Hope-Farm. On m’a même demandé, à plusieurs reprises, de vous y conduire. Seulement je redoutais pour vous l’absence de tout amusement.

— C’est trop de scrupule. Je vous y aurais accompagné très-volontiers. Pour le moment, je ne le saurais, même si vous me rapportiez une invitation, car j’ai ordre de me rendre dans la vallée de *** où la compagnie me charge d’étudier le terrain en vue d’un embranchement