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V


Je m’éveillai de bonne heure et pensais être le premier debout. Lorsque je descendis, cependant, tout le monde avait déjeuné. Un grand bol de soupe au lait m’attendait sur le fourneau. La maison était vide, chacun ayant déjà commencé sa besogne.

Phillis rentra la première, un panier sous le bras, et fidèle à mes projets arrêtés de la veille :

« Qu’avez-vous là dedans ? » lui demandai-je.

Or le panier n’était pas couvert, et le contenu me crevait les yeux. Elle me regarda fort ébahie, puis avec un sang-froid parfait :

« Ce sont des pommes de terre, me répondit-elle.

— Allons donc, lui dis-je à mon tour, ce sont des œufs. Pourquoi vouloir me le cacher ?

— Et pourquoi me demander ce que vous savez comme moi ? » répliqua-t-elle un peu vivement.

Nous n’étions pas, à ce moment-là, très-bien disposés l’un pour-l’autre. Je me décidai à être tout à fait franc.

« Je voulais vous parler, lui dis-je, et en même temps éviter que les livres fussent, comme hier, le sujet de notre conversation. Je n’ai pas autant lu que le ministre, je n’ai pas autant lu que vous.

— Hélas ! s’écria-t-elle, nous ne lisons guère ni l’un ni l’autre… Mais enfin vous êtes notre hôte, et ma mère assure que je dois chercher à vous rendre la maison agréable. Donc, nous ne parlerons pas de livres. De quoi parlerons-nous, je vous prie ?

— Je n’en sais rien. Quel âge avez-vous ?