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bituée à traîner la charrette, et nous partîmes vers les trois heures de l’après-midi à travers les Sables, dans un appareil digne du roi Georges. Il faut remarquer, en effet, que la marée montante avait eu lieu à midi, et que nous avions à revenir dans l’intervalle d’un flot à l’autre, attendu que Letty ne pouvait s’abonner à quitter plus longtemps son cher baby. En fait de beau temps, cette après-midi ne laissait rien à souhaiter ; alors, pour la dernière fois, j’ai entendu rire Letty de bon cœur et sans arrière-pensée ; c’est aussi la dernière fois que je me suis senti complètement gai. Nous partions en somme un peu tard, puisque la dernière traversée devait avoir lieu à neuf heures. De plus les horloges n’allaient pas très-bien, et ce ne fut pas une mince affaire que d’attraper un jeune pourceau que mon père avait donné à Letty. Nous finîmes pourtant par le mettre dans un sac, et tandis qu’il criait et criait encore à l’arrière du tombereau, nous éclations de rire, chacun s’égayant autour de nous. Pendant toutes ces gaietés, le temps passait et le soleil descendait à l’horizon, ce qui nous rendit un peu plus graves, car nous nous aperçûmes de l’heure qu’il était. Je pressais du fouet la vieille jument, mais elle était beaucoup moins leste que le matin, et ne voulait plus ni gravir ni descendre vite les inégalités du terrain, qui ne sont point rares entre Kellet et la côte.

Sur les Sables, ce fut bien pis. Après les pluies que nous avions eues, les fraîcheurs n’avaient pas manqué ; les Sables par conséquent tenaient ferme. Bon Dieu, comme je fouettai la pauvre jument pour tirer le meilleur parti possible des clartés rougeâtres qui duraient encore !… Peut-être bien, messieurs, ne connaissez-vous pas les Sables ?… Du côté de Bolton, notre point de départ, il y a jusqu’à Cartlane un peu plus de six milles, et deux canaux à traverser, sans parler des trous et des dunes mo-