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noise, tant me tourmentait l’envie de me mesurer avec lui. Si je l’emportais (et dans ce temps-là j’étais un boxeur comme il y en a peu), il me semblait que sa défaite le rendrait plus indifférent à Letty. De sorte qu’un soir, pendant la partie de palets (comment, à propos de quoi, je l’ignore, mais de petites paroles il sort de grands faits), je trouvai moyen de me fâcher contre lui, et je lui proposai le combat. À sa rougeur, à sa pâleur alternées, je voyais bien qu’il était fort en colère, — et comme je vous l’ai déjà dit, c’était un vigoureux compagnon, un vigoureux athlète… Tout d’un coup pourtant, il recula, disant qu’il ne voulait pas se battre… J’entends encore le hurlement que poussèrent alors les gas de Lindal, attentifs au résultat de ma provocation.

Il me fut impossible de ne pas souffrir pour lui du mépris qu’il venait de s’attirer : je voulais croire, à toute force, qu’il ne m’avait pas bien compris, et, pour lui laisser une chance de plus, je le défiai en termes aussi clairs que possible de vider notre querelle comme il convient à des gens de cœur.

Il me dit alors qu’il n’avait aucun motif de se quereller avec moi ; que peut-être avait-il tenu quelques propos de nature à m’offenser ; que c’était sans le savoir ; mais que, cela étant, il m’en demandait pardon… Quant à se battre, jamais il n’y pourrait consentir.

Ce nouveau refus me donna un tel mépris de lui que regrettai de lui avoir donné une seconde chance, et, cette fois, je mêlai ma voix aux clameurs qui retentirent encore bien plus insultantes que les premières. Il les affronta debout, les dents serrées, le visage très-pâle, et lorsque, à bout d’haleine, nous fûmes réduits à nous taire, il dit très-haut, mais d’une voix rauque, tout à fait différente de celle que nous lui connaissions :