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J’avoue que son interruption m’avait contrarié.


Il y aura quarante-cinq ans vienne la Saint-Martin, dit le sexton assis à nos pieds sur un monticule revêtu de gazon, que, mon apprentissage terminé, je vins m’établir à Lindal… Vous pouvez voir Lindal, soir et matin, par delà la baie, de ce côté, messieurs, un peu à droite de Grange… Du moins l’ai-je ainsi vu mainte et mainte fois, avant que mes yeux se fussent affaiblis. J’ai passé bien des quarts d’heure à contempler de loin ce petit village, à rêver des jours que j’y ai vécu, jusqu’au moment où mes yeux remplis de larmes me refusaient service… Ni de près ni de loin je ne le reverrai maintenant ; mais vous, c’est une autre affaire… Vous pourrez le voir des deux façons, et je vous y engage, car l’endroit est terriblement agréable.

En mon jeune temps, lorsque j’allai m’y fixer, il y avait là une aussi riche collection de mauvaises têtes que vous en ayez jamais pu trouver nulle part… un tas de gamins, batailleurs, querelleurs, fraudeurs, et tout ce qui s’ensuit. Je fus moi-même tout stupéfait quand je vis en quelle compagnie il me faudrait vivre ; mais peu à peu je me familiarisai avec leurs allures et je devins aussi franc luron que pas un d’eux.

J’étais là depuis environ deux années, et pas mal de gens me regardaient comme le coq du village, quand ce Gilbert Dawson, dont je vous parlais, vint, lui aussi, s’établir à Lindal. C’était un gaillard, à peu près de ma taille — et tout réduit, tout courbé que vous me voyez, je ne mesurais pas alors moins de six pieds, — puis, comme nous faisions le même métier, consistant à fournir d’osiers et de menu bois les tonneliers de Liverpool, nous nous trouvions ainsi en fréquents rapports et une sorte d’intimité s’établit entre nous. Pour marcher