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son cabinet de travail, laquelle donnait aussi sur le vestibule.

Puis, en homme qui sait tirer parti de tout, il se plaça le dos à la fenêtre, ce qui lui laissait voir en pleine lumière le visage de cette visiteuse inattendue. Ellenor releva son voile. Elle ne l’avait baissé, dans le fait, que pour épargner au juge la contrariété d’avoir à s’excuser, dans le vestibule même, de l’y avoir ainsi laissée.

« Ellenor… miss Wilkins, est-ce réellement vous ?… » Et, moins préparé qu’elle à pareille entrevue, il semblait le moins embarrassé des deux au moment où, s’avançant vers Ellenor, il lui tendait cordialement la main. Était-il au fond si à son aise ? On pourrait en douter, malgré l’assurance de son maintien, et la courtoisie avec laquelle il expliquait, en la rejetant sur ses domestiques, l’erreur dont miss Wilkins avait à se plaindre. « Vous allez, continua-t-il, nous faire l’honneur de déjeuner avec nous… Lady Corbet sera heureuse de vous voir… » À ce moment, l’idée de cette présentation qui mettrait son ex-fiancée en face de sa femme actuelle, lui parut d’une gaucherie impardonnable ; on aurait pu s’en apercevoir à la précipitation de son débit. Mais Ellenor le tira bientôt de peine.

« Je vous remercie, lui dit-elle avec cette douceur d’organe qui prêtait un charme à ses moindres paroles… Vous excuserez mon refus… Si ce n’eût été pour affaires pressantes, je ne me serais point permis de venir vous déranger à une heure pareille… Je viens vous parler du pauvre Dixon.

— Eh bien, je m’en doutais, » dit le juge qui lui offrit un fauteuil et s’assit lui-même.

Il voulait à toute force se restreindre à parler affaires ; mais malgré sa force de caractère, employée en vain, le son de cette voix évoquait devant lui les réminiscences