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Ils retombèrent encore dans un silence absolu. Ellenor brûlait de se mettre à l’œuvre, et pleurait intérieurement chaque minute perdue ; mais elle sentait aussi combien sa présence apportait de consolation au prisonnier, et se serait fait scrupule de le quitter avant le terme assigné à leur conférence. Le vieillard allait, parlant toujours sur un mode plus plaintif, et dans l’intervalle d’un propos à l’autre on eût pu le croire sous l’influence d’une espèce de somnambulisme, mais il ne lâchait pas la main d’Ellenor, comme s’il avait peur de voir s’effacer une brillante vision

L’heure enfin s’écoula. Le porte-clefs se montra sur le seuil, indiquant par sa présence même que le moment de la séparation était venu. « Je reviendrai demain, dit Ellenor. Dieu vous garde et vous réconforte ! »

Puis elle s’élança hors du cachot, hors de la prison, et rentra chez son hôte à qui elle demanda simplement les indications indispensables pour les démarches qu’elle allait tenter. Dans la soirée, à huit heures passées, elle descendait à l’embarcadère du Great-Western. Là elle s’aperçut d’un oubli facile à réparer. Elle avait omis de demander où il fallait aller trouver M. Corbet. Elle chercha dans le Post-office directory l’adresse particulière de ce personnage officiel. Dès qu’elle eut ce renseignement, elle envoya un des garçons de l’hôtel, chargé de savoir si le juge serait chez lui dans la soirée. La réponse arriva bientôt. Le juge et lady Corbet dînaient en ville.

Lady Corbet… ces deux mots sonnèrent étrangement aux oreilles d’Ellenor. Ils ne lui apprenaient rien, mais on eût dit qu’ils l’arrachaient à quelque rêve. Cette nuit-là, d’ailleurs, elle ne put s’endormir, et au lieu de songer à la conférence du lendemain, elle se livra tout entière aux souvenirs de sa jeunesse disparue. Ils reprirent peu