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grillé. Le porte-clefs ouvrit celle où était le malheureux Abraham Dixon.

Assis sur le bord de sa couchette, dans une oisiveté absolue, la tête penchée, le corps plié en deux, le prisonnier avait entendu ouvrir sans même jeter un regard sur la personne qui entrait. Le porte-clefs s’avança, et lui posant la main sur l’épaule : — « Allons, mon brave, réveillez-vous, lui dit-il en le secouant légèrement. Bon accueil aux amis qui viennent vous voir ! » Puis, se tournant vers Ellenor : « Il y en a comme cela, pour lesquels la condamnation est un coup d’assommoir ; il y en a aussi qui se démènent en vraies bêtes fauves, quand ils ont perdu toute espérance. »

Après quoi notre homme regagna le couloir, où, — laissant la porte ouverte, de manière à tout voir si bon lui semblait, — il prit soin de ne jamais regarder du côté de la cellule, affectant en outre de siffler un petit air qui ne lui laissait rien entendre : une demi-guinée l’avait rendu aveugle et sourd.

Dixon regarda Ellenor, puis baissa les yeux. Un certain tremblement de tous ses membres attesta seul qu’il l’avait reconnue. Elle s’assit près de lui, et dans ses mains délicates prit les mains calleuses du vieillard, caressant leurs doigts ridés, sur lesquels, de temps à autre, tombait une larme brûlante.

« Allons, demoiselle, ne vous tourmentez pas tant !… Après tout, cela ne s’est point si mal arrangé.

— Que voulez-vous dire ?… Croyez-vous que pareille iniquité puisse être consommée ?…

— Mon Dieu, chère miss, je suis un peu las de vivre… J’y ai pris grand’peine et grand effort… M’est avis qu’on est tout aussi bien avec Dieu qu’avec les hommes. Songez donc que je m’étais attaché à votre brave père, depuis sa toute première enfance ; il me traitait en frère