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fusion dans les idées de ce gigantesque porte-clefs. « Comment, madame ?… Le condamné qu’on doit pendre sous quinzaine !… Mais pour qui me prenez-vous donc, madame ?… Allez trouver le gouverneur,… le gouverneur loge en face. On ne voit les condamnés à mort que sur ordre du sheriff… Croyez-vous que je suis le sheriff ? On vous renverra, sans aucun doute,… mais allez tout de même, allez chez le gouverneur ! »

Ellenor, bien que désespérant déjà du succès de sa démarche, suivit ce charitable conseil, et fut reçue très-exactement comme on le lui avait prédit. « Eh bien, madame, reprit le concierge, dont la barbe était faite et qui avait revêtu le costume professionnel… vous voyez que j’avais raison. » Sans prendre garde à cette naïve explosion d’amour-propre, elle fit le tour de la vaste prison et alla s’asseoir sur un banc du cimetière qui la domine. On a de là sous les yeux le panorama de la petite ville d’Hellingford, — vue admirable, au dire des habitants ; mais Ellenor ne détacha pas un instant ses yeux des murailles grises derrière lesquelles un pauvre homme comptait, heure par heure, ce qui lui restait de temps à passer ici-bas.

De temps à autre, la fatale nuit de mai lui revenait comme une vision. Ses yeux sondaient l’obscurité, guettaient le premier rayon de l’aube ; elle voyait les lanternes passer ou s’arrêter dans les ténèbres ; elle écoutait la respiration forte et hâtée de ces deux fossoyeurs improvisés, le bruit des branches qu’ils froissaient en allant ou venant, le son rauque de leurs voix quand ils échangeaient au passage quelque communication rapide.

Tout à coup ses oreilles perçurent un autre son ; c’était l’horloge d’une église qui sonnait huit heures. À huit heures M. Johnson avait promis de la recevoir ; elle se hâta de rentrer. Le digne attorney, à qui sa ponctualité