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portion de terrain où le cadavre avait fini par être découvert.

En lisant cette partie de l’enquête, Ellenor ne put s’empêcher de frissonner. Là, dans cette chambre italienne, elle vit tout à coup se dessiner la pelouse oblongue dont le fatal souvenir lui était sans cesse présent ; — un lit de mousse verte et de lichens, et cette mince couche de gazon recouvrant a peine, au pied du vieil arbre, le sol brûlé qu’on ne remuait jamais. Pourquoi ne s’était-elle pas trouvée en Angleterre au moment où les constructeurs du chemin de fer, entre Hamley et Ashcombe, avaient modifié le tracé de la ligne jalonnée. Elle aurait prié, supplié ses trustees ; elle aurait obtenu d’eux de ne vendre à aucun prix — si énormes que fussent les offres, — ce morceau de terre ! Elle aurait, au besoin, corrompu les surveyors, en un mot tout essayé, tout mis en usage…, mais à présent, il était trop tard…

Trop tard : — donc il fallait, sans se perdre en vains retours sur ce qui aurait pu être, étudier, dans tous ses détails, l’immuable présent. Le journal ne lui apprit pas grand’chose de plus. Le prisonnier, — mis en garde contre ses propres aveux, suivant la belle tradition de la magistrature britannique, — avait donné tous les signes d’une vive émotion, décrite en ces termes par le reporter du Times : « On remarque ici que le prisonnier se cramponne à la barre comme pour ne pas tomber. Sa pâleur devient telle qu’un des porte-clefs, le croyant prêt à défaillir, lui offre un verre d’eau : il le refuse. Ces signes de faiblesse nous étonnent, donnés par un homme taillé en force ; mais sa physionomie, sombre et farouche, gêne l’intérêt qu’on serait tenté de lui porter. »

— Mon pauvre Dixon, comme on te méconnaît ! s’écria Ellenor posant le journal et sur le point de fondre en larmes ; mais elle s’était interdit toute faiblesse de ce