Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour sa brillante compagne, qui, par passe-temps et par envie de plaire, lui enlève le cœur d’un jeune ami dévoué, appelé à devenir plus tard un mari. Elle ne s’en étonne ni ne s’en irrite ; ne subit-elle pas elle-même le charme vainqueur ? Tant d’esprit et tant de beauté ! Et quand l’imprudente coquette s’est mise dans la dépendance d’un fat qui la compromet, Molly lui vient en aide et la sauve par son innocente fermeté. Cette douce figure, indulgente pour les défauts d’autrui, sévère pour elle-même, est le lien qui relie le faisceau ; et cependant elle passerait inaperçue sans l’auréole de bonté qui rayonne autour d’elle. Mrs Gaskell excelle à peindre ces natures féminines, modestes, chastes, contenues, qui, élevées au foyer domestique, en pénètrent les secrets qu’elles gardent avec un soin pieux, par respect pour le bonheur de la famille dont elles maintiennent haut l’honneur à force de droiture et de véracité. C’est un type qu’elle affectionne et qu’elle réussit toujours ; mais elle s’est surpassée dans Molly. On en peut dire autant de tous les personnages de Wives and Daughters. Chaque portrait est parlant. On lit sur les physionomies, on entend les voix, on voit les gestes. Ce n’est pas la fidélité matérielle de la photographie, mais la reproduction vivante, animée, de la nature intérieure, du monde de l’esprit : tout ce qu’il y a de plus opposé au réalisme, si brutal en sa crudité. Ce dernier ouvrage est d’une couleur corrégienne suave, harmonieuse, émue. Il y avait peu d’alliage dans ce beau talent, qui, vers la fin, semblait encore grandir et s’épurer.

L’œuvre considérable de Mrs Gaskell se peut diviser en deux parts : l’une, que j’appellerai son apostolat, et