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dans l’épître maternelle ? Ces ingénieuses hypothèses, — on le devine peut-être, le caractère de miss Monro étant donné, n’avaient pas le plus léger fondement ; mais elles n’en prirent pas moins dans son esprit une certaine consistance, et lorsqu’elle entendit M. Livingstone annoncer que probablement il partirait pour Rome à l’expiration de son terme de résidence, attendu qu’il voulait s’y trouver pour le carnaval, elle crut voir s’écrouler son rêve favori, qu’elle pleura de bonne foi, comme l’enfant dont une jupe traînante balaye le frêle château de cartes.

Au quatrième piano (étage, si vous voulez)d’une maison de la via del Babuino, Ellenor, cependant, goûtait les douceurs depuis longtemps inconnues, et presque nouvelles pour son âme, d’un complet oubli. Les spectacles étrangers, les traits de mœurs bizarres qui étonnaient ses yeux et piquaient sa curiosité, les souvenirs de la veille mêlés sans cesse à des projets pour le lendemain, occupaient sa pensée et la transportaient dans une sphère où ses affreux souvenirs n’avaient pour ainsi dire aucune place. Elle avait hérité en partie le tempérament artistique de son père : un groupe des rues, un facchino du Transtevère, une jeune fille revenant de la fontaine avec une espèce d’urne antique en équilibre sur sa tête, lui procuraient la même sensation de plaisir que bien des gens ont éprouvée en face des fidèles esquisses de Pinelli. Aussi se déshabituait-elle de ce découragement invétéré qui l’avait si longtemps minée ; sa santé se remettait à vue d’œil, et mistress Forbes, en la voyant renaître et s’égayer ainsi, se sentait amplement récompensée de l’inspiration charitable qui lui avait fait emmener cette aimable compagne.

Ainsi s’acheva le mois de mars. Le carême, cette année-là, commençait tard. Au coin des condotti on étalait déjà, pour la venté, d’énormes bouquets de violettes et