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aux renseignements, et dès le lendemain sa visite fut annoncée aux deux recluses. Ellenor, qui travaillait dans sa chambre, eut à vaincre une certaine répugnance pour descendre au salon. La bienvenue de miss Monro fut, au contraire, des plus chaleureuses. Elle avait mis ses lunettes pour ne rien perdre de ce qui allait se passer. Sur le visage d’Ellenor se manifesta un surcroît de pâleur ; ses sourcils étaient un peu plus rapprochés, ses lèvres un peu plus serrées qu’à l’ordinaire. Quant au chanoine, on pouvait tout au plus, quand il s’avança pour offrir la main à Ellenor, remarquer sur son placide visage une imperceptible rougeur. Ce fut tout, ce n’était pas grand’chose, et néanmoins, sur ces frêles assises, miss Monro entassa de plus belle toutes sortes de châteaux féeriques ; mais il fallut en rabattre, non sans quelque rancune contre les deux personnages du roman qui s’en allait en fumée. Ellenor surtout lui semblait digne de blâme pour ce Calme inaltérable qu’on pouvait si aisément confondre avec une froideur repoussante. Encore si elle eût permis à miss Monro d’inviter M. Livingstone à leurs petits « thés de famille, » mais elle n’y voulait entendre sous aucun prétexte. Le chanoine revenait pourtant, et rarement passait moins d’une heure chez ses deux ouailles. Avec la subtilité naturelle à son sexe, miss Monro remarqua qu’il consultait parfois sa montre à la dérobée, preuve certaine qu’il ne s’en allait pas spontanément, mais par respect pour les convenances et lorsqu’il s’y jugeait absolument contraint. Autre symptôme : quand Ellenor se trouvait par hasard absente, le visiteur avait l’oreille au guet, et cherchait évidemment à se rendre compte du moindre bruit extérieur. Cependant, il évitait avec soin toute espèce d’allusion à leurs souvenirs de Hamley et, suivant l’ex-gouvernante, c’était là un mauvais symptôme.