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laissant en perspective le retour d’un printemps nouveau, la résurrection des espoirs ensevelis. Aussi demeura-t-elle immobile sous l’œil inquiet de miss Monro, qui la surveillait comme si elle eût redouté quelque acte d’aliénation mentale, quelque sortie insensée. Quand tout fut fini, quand les principaux acteurs de la cérémonie se furent transportés dans la sacristie pour y signer les documents nécessaires, quand les gens de la ville se furent éloignés plus ou moins immédiatement, selon les notions d’un chacun sur la révérence à garder vis-à-vis des lieux saints, — pendant que les imposants accords de la Marche nuptiale jaillissaient encore des orgues, et que les cloches résonnaient à grand bruit sous les campaniles vibrants, — Ellenor, posant sa main sur celle de son amie : « Emmenez-moi d’ici ! » lui dit-elle avec une extrême douceur. Et miss Monro la ramena vers leur cottage absolument comme si elle eût conduit une aveugle.


XI


Deux chemins mènent à la vieillesse. Les uns y arrivent par transitions insensibles après une longue série de jours heureux ; d’autres, entraînés par un irrésistible tourbillon, franchissent d’un bond les limites de chaque âge. Leur jeunesse en quelques heures se flétrit. Non moins brusque, non moins soudaine est la métamorphose qui d’abord change en vieillesse leur maturité, puis de la vieillesse elle-même les précipite, éperdus, dans cet océan vaste et calme, où rien sur le rivage ne signale aux regards la marche du temps.

Tel semblait devoir être le lot d’Ellenor. En une seule nuit, quinze ans auparavant, sa jeunesse avait sombré :