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d’art allait passer sous le marteau des enchères et que, malgré ce sacrifice, les créanciers de la succession ne seraient pas totalement satisfaits. M. Ness, appelé à instruire Ellenor de ces fâcheux résultats, la trouva comme on la trouvait toujours depuis quelque temps, assidûment courbée sur un ouvrage de femme. Elle quitta son aiguille pour l’écouter, la tête appuyée sur sa main. Quand il eut achevé son exposé, la jeune fille ne prononça pas un seul mot, et le pauvre homme, étonné de ce silence, reprit sa harangue par pur embarras. « Je suis certain, disait-il, que notre coquin de Dunster est pour beaucoup dans cette catastrophe inexplicable… »

À son grand étonnement, Ellenor, redressant, sa tête pâle et rigide, lui dit avec lenteur, et d’une voix faible, mais calme et solennelle : « Faites en sorte, monsieur Ness, qu’on n’inculpe jamais M. Dunster à propos de tout ceci.

— Écoutez-donc, ma chère Ellenor ; aucun doute n’existe sur ce point… Votre père lui-même y a fait mainte fois allusion. »

Ellenor se couvrit le visage des deux mains : « Dieu nous soit clément ! » dit-elle ensuite, rentrant dès lors dans un silence obstiné que ses amis ne pouvaient ni comprendre, ni supporter. M. Ness, après l’avoir exhortée à ne pas renfermer ainsi au dedans d’elle même l’amertume de ses pensées, se vit obligé, n’obtenant pas de réponse, à lui faire part des projets formés pour son avenir : « Le plus clair de vos revenus, poursuivit-il, sera le loyer de cette propriété. Nous avons des offres. On propose un bail de sept années à cent vingt livres[1] par an…

  1. Cent vingt livres sterling, représentent, à fort peu de chose près, 3,000 francs. (N.du T.)