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devoir suivre le médecin pour l’avertir du véritable état des choses ; et tout en lui racontant ce qui était advenu la veille, elle ne manqua pas d’annoncer qu’Ellenor était elle-même allée au-devant de la rupture, ajoutant qu’elle avait dû y réfléchir à deux fois avant d’épouser un avocat sans causes, avec lequel il eût fallu vivre dans une sorte de dénûment. Le docteur Moore, par bonheur, connaissait trop bien Ellenor pour la croire capable de ce calcul dégradant, malgré les maladroits commentaires dont l’institutrice agrémentait ce qui pouvait être un simple dépit amoureux.

Avant que les roses de juin eussent toutes fleuri, M. Wilkins s’était prématurément éteint. Depuis sa dernière attaque son intelligence oblitérée ne fonctionnait que d’une manière imparfaite. Il tenait fréquemment des propos bizarres et sans suite. À de rares intervalles, cependant, il retrouvait, avec un peu de calme, la libre possession de toutes ses facultés. Ce fut sans doute dans une de ces passagères embellies qu’il dut tracer au crayon une espèce de note testamentaire, laquelle resta inachevée sous son oreiller, où la retrouvèrent les femmes chargées de préparer le corps à l’ensevelissement. Ellenor, à qui elle fut remise, déchiffra, de ses yeux obscurcis par les larmes, les lignes suivantes :


« Je suis très-malade. Il me semble parfois que je ne pourrai me rétablir : aussi veux-je vous demander pardon de ce que je vous ai dit la veille du jour où je me suis alité. Je crains que mon emportement ne vous ait brouillé avec Ellenor, mais j’imagine que vous ne sauriez refuser votre indulgence à un mourant. Revenez seulement, oubliez ce qui a pu se passer entre nous, et je vous promets toutes les excuses que vous exigerez. Si je m’en vais, elle aura peu d’amis, et j’ai compté sur