Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout autre avantage ici-bas, une réputation étendue et immaculée. Ceci est un aveu qui peut m’attirer votre censure, à laquelle je me soumets et me résigne d’avance ; mais tout ce qui se placerait entre moi et le but de mon ambition serait, je le sens, mal supporté par moi, et la crainte seule d’un pareil obstacle suffirait pour paralyser mes efforts. Je deviendrais infailliblement irritable, et si profonde que soit, que doive rester mon affection pour vous, je n’oserais, en pareil cas, me promettre une existence heureuse et calme. L’idée de cette découverte qui, d’un moment à l’autre, pourrait me déshonorer, cette idée me hanterait perpétuellement. J’en suis d’autant plus convaincu que j’ai sous les yeux l’exemple de votre père, chez qui on a pu remarquer une sorte de décomposition morale, à partir du jour où il me semble que remontent les mystérieuses affaires auxquelles vous avez fait allusion. Bref, moins pour moi que pour vous, Ellenor, je suis tenu de regarder comme définitif et sans appel l’arrêt par lequel votre père m’a banni de sa maison. Dieu vous protége, Ellenor, vous que j’appelle pour la dernière fois mon Ellenor !… Efforcez-vous d’oublier le plus tôt possible le lien désastreux qui, momentanément vous a unie à un homme aussi peu fait pour vous, — je dirai même aussi peu digne de votre affection.

« Ralph Corbet. »


Ellenor lut ces lignes, debout auprès d’une fenêtre, tandis que le domestique, chapeau bas, attendait sa réponse. Cette réponse qu’elle écrivit séance tenante, — s’attachant à la rédaction de chaque phrase, et savourant le douloureux plaisir d’écrire pour la dernière fois