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paternelle, apportant à son vieux père presque aveugle, à ses sœurs désolées, une santé à jamais perdue, et le répugnant spectacle des suites de l’intempérance. Triste épave d’un naufrage social, il mourut à vingt-quatre ans du « delirium tremens » causé par l’ivresse de l’eau-de-vie et de l’opium. Le pasteur et ses innocentes filles assistèrent pendant trois ans à la dégradation morale, à la lente agonie de l’être qu’ils avaient chéri et admiré. Émilie le suivit bientôt. Toujours stoïque et impassible, elle refusa de voir un médecin : la mort la frappa debout. Puis ce fut le tour de la plus jeune des trois sœurs, Anne, lentement consumée par la maladie de poitrine, qui avait enlevé la mère et dont tous les enfants portaient en eux le germe fatal. Charlotte Bronté devait survivre seule, et pour bien peu de temps, à ceux qu’elle avait tant aimés. Sa biographie est la touchante histoire d’une femme de génie vouée à une sombre destinée, perdant une à une ses plus chères affections, dévoilant dans une correspondance intime les replis de son âme, ses croyances religieuses, ses aspirations poétiques, celles de sa sœur Émilie, leurs tentatives à toutes deux, leurs nombreux mécomptes, leurs succès, arrivés trop tard, alors que les soucis, la douleur les avaient usées et vieillies avant l’âge. Associée par l’amitié à toutes ces émotions, Mrs Gaskell les a rendues avec une poignante énergie.

Elle publia ensuite l’Œuvre d’une sombre nuit, Loysa la Sorcière, les Amoureux de Sylvia[1]. Ce dernier roman vaut qu’on s’y arrête.

  1. Les Amoureux de Sylvia, traduits par M. E.-D. Forgues. —