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« Vous avez, monsieur, trop librement usé de ceci, dit-il en montrant le flacon de liqueur. La conscience de vos paroles vous manque absolument, ce qui me dispense de les relever. Si je n’en étais pas convaincu, je quitterais cette maison à l’instant même, pour n’y rentrer jamais.

— Ah ! c’est là votre manière de voir ? répondit M. Wilkins, essayant de se tenir debout et affectant les dehors de la sobriété méconnue. Eh bien, monsieur, si vous vous avisez jamais de me parler, de me regarder comme vous l’avez fait aujourd’hui, je vous préviens que je sonnerai mes gens afin qu’ils vous reconduisent. Tenez-vous pour averti, mon camarade ! »

Il se rassit là-dessus, avec le rire idiot de l’ébriété triomphante. La seconde d’après, il sentit son bras dans la main de Ralph qui, sans rudesse, mais par une irrésistible étreinte, le tenait immobile.

« Entendez bien ceci, monsieur Wilkins, lui disait le jeune homme d’une voix basse et voilée ; vous n’aurez jamais à me répéter les paroles que vous venez de me faire entendre. Nous sommes désormais étrangers l’un à l’autre. Quant à Ellenor, — il ne put articuler ce nom sans un imperceptible soupir, — j’estime que nous n’eussions pas vécu très-heureux l’un par l’autre. Notre engagement, trop tôt formé, l’avait été à un âge où nous ne connaissions guère nos dispositions réciproques. Cependant j’aurais fait mon devoir, j’aurais tenu ma parole, si vous n’aviez, par votre insolence de ce soir, rompu les liens dont nous nous étions chargés. Moi…, moi ?… un Corbet de Westley, jeté à la porte par vos domestiques ! Un pair du royaume, dix fois ivre comme vous l’êtes, ne, me ferait pas accepter pareil outrage !… »

Le bouillant jeune homme était hors de la chambre et