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ques instants encore, ne sachant si la conversation avait été interrompue par une crise mentale ou simplement par une souffrance physique. Pendant ce répit, M. Wilkins, attirant à lui la bouteille d’eau-de-vie, s’en versa un grand verre qu’il vida d’un seul trait, après quoi il se mit à regarder son hôte avec autant de persistance que celui-ci en mettait à observer les mouvements de son visage. Mais si l’attention apparente était la même des deux parts, l’expression des deux physionomies n’était pas, à beaucoup près, identique.

« De quoi parlions-nous donc ? demanda Ralph, à la fin, avec une affectation de négligence distraite, et comme s’il eût réellement oublié le sujet de quelque discussion peu importante, suspendue par quelque accident insignifiant.

— D’une chose sur laquelle vous seriez bien avisé de vous taire, grommela M. Wilkins d’une voix querelleuse et comme épaissie.

— Vous dites ? s’écria Ralph qui bondit littéralement sous cette injure de l’attorney Wilkins.

— Je dis ce qui est, repartit ce dernier. J’entends mener mes affaires à moi seul, sans être sujet à un contrôle importun, à des questions indiscrètes. J’ai déjà donné cet avis à quelqu’un qui s’est mal trouvé de ne pas l’avoir suivi. Si vous n’y voulez point déférer, si vous devez persister à me tenir sur la sellette, à me poursuivre de vos regards effacés, comme vous faites depuis une demi-heure, eh bien, vrai, j’aimerais mieux vous voir prendre le chemin de la porte. »

Ralph éprouva la tentation de ne pas laisser perdre un si beau prétexte et de s’échapper à l’heure même. Il se contint, cependant, « pour ne pas, disait-il, enlever à Ellenor sa dernière chance ; » mais il n’était animé d’aucun désir de conciliation, quand il reprit l’entretien :