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crains d’avoir encouru vos reproches, de m’être montrée capricieuse et peu raisonnable. »

Le jeune homme, ici, fut embarrassé ; car, au fond, en le regardant avec cette attention persistante, sa fiancée avait réellement pénétré le vague et secret mobile de ses pressantes questions. Il s’efforça pourtant, par quelques caresses contraintes, quelques paroles plus ou moins d’accord entre elles, d’effacer complétement cette impression passagère. Nos jeunes gens revinrent bientôt après du côté de la maison. Ellenor courut savoir comment allait son père. Ralph, rentré dans sa chambre, se reprochait, mécontent de lui-même, et ce qu’il avait dit et ce qu’il n’avait osé dire. L’avenir ne lui apparaissait pas précisément sous les couleurs les plus riantes.

Ni lui, ni M. Wilkins n’apportèrent au dîner des dispositions très-favorables. Leur mauvaise humeur, contenue pourtant en de justes bornes, se traduisit par un silence de mauvais augure. Tant qu’Ellenor et miss Monro restèrent à table, elles maintinrent la bonne harmonie apparente, grâce à ce bavardage futile dont les femmes s’entendent si bien, en pareil cas, à remplir les lacunes d’une conversation mal soutenue. Mais, à peine Ralph eut-il refermé la porte derrière elles, M. Wilkins alla prendre sur le buffet une bouteille qui n’était pas encore entrée en lice :

« Un peu de cognac dit-il avec, une affectation de négligence, remplissant jusqu’aux bords un verre à bordeaux ; excellent remède contre la migraine ; et ma tête me fait un mal !…

— Tant pis, répliqua sèchement son grave convive ; j’avais justement à vous parler affaires.

— Qu’à cela ne tienne !… vous pouvez jaser…, On est de sang-froid, si c’est là ce qui vous inquiète.

— Soit, reprit Corbet avec un acquiescement dédai-