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position d’épouser quelqu’un en lui laissant ignorer à quoi l’exposait un pareil mariage, en lui cachant ce qui pourrait arriver,… ce qui, j’espère, n’arrivera jamais.

— Mais ne voyez-vous pas, chère enfant, que si je ne suis pas plus instruit, je me trouve précisément,… vous devez cependant le comprendre,… dans la position de cet homme que vous ne pensez pas pouvoir épouser sans lui faire tort !… Pourquoi cette réserve, ce manque de franchise ?… et comment dois-je l’interpréter ? »

Son accent, ses gestes manifestaient une certaine irritation. Ellenor se pencha pour mieux le regarder au visage et comme pour aller chercher la vérité jusque dans les plus intimes refuges de son cœur. Puis elle lui dit, avec le calme le plus parfait :

« Vous voulez, n’est-ce pas, que notre engagement soit rompu ? »

La rougeur monta au front de Ralph qui, tout aussitôt s’emportant :

« Que dites-vous là ? Ne puis-je faire une question, hasarder une remarque, sans m’exposer à cette injure ? Est-ce votre mal qui vous met en tête d’aussi étranges caprices ? Ai-je mérité que vous doutiez de moi, quand j’ai affronté pour m’attacher à vous ?… »

Cette dernière phrase resta suspendue. Ralph allait ajouter « l’opposition de toute ma famille, » mais il s’arrêta court, se rappelant que les malveillantes insinuations de sa mère l’avaient plutôt encouragé dans son projet d’hymen, et se disant en outre qu’il n’était guère délicat de révéler à Ellenor combien l’idée de l’avoir pour bru souriait peu aux parents de son fiancé.

Ellenor contemplait en silence, mais sans les voir, ces vastes prairies. Elle mit enfin sa main dans celle de Ralph :

« J’ai eu tort, dit-elle,… Je dois me fier à vous ;… je