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qui penchaient tristement leurs têtes flétries au bord des vases poudreux. De même Ellenor, quand elle parut, et lorsqu’elle fut sans le savoir comparée aux belles ladies, aux élégantes héritières de Stokely-Castle. Sa coiffure datait de deux ans, la taille de sa robe ne descendait ou ne remontait pas assez (je ne sais lequel) ; ses manches n’avaient ni l’ampleur, ni la coupe exigées par la mode la plus récente. De là, mille comparaisons désobligeantes. Ralph, pourtant, se piquait à la fois de sérieux et de délicatesse. Il ne lui eût pas convenu de laisser aucun calcul sordide se glisser dans ses idées de mariage. Seulement la perspective d’un ménage à l’étroit lui devenait de plus en plus désagréable.

À plus forte raison ses nouvelles relations avec lord Bolton — ce membre du cabinet qu’il avait rencontré à Stokely-Castle, — n’étaient point faites pour lui démontrer la sagesse d’un hymen prématuré. Il trouvait autour de ce personnage important, célibataire émérite et résolu, cet idéal d’ordre, de ponctualité, de savante économie dont le résultat est de laisser l’esprit se mouvoir librement dans les sphères intellectuelles, sans qu’il ait à se préoccuper des besoins inférieurs, des tracasseries de ménage. Allait-il au contraire chez ceux de ses contemporains qui déjà traînaient le boulet conjugal, il voyait de près, il pouvait apprécier les lacunes, les cahots, les désagréments de ces intérieurs trop tôt inaugurés. Ajoutez à l’effet d’un contraste si frappant, le souci de ce déshonneur possible, suspendu, comme l’épée de Damoclès, sur la famille dont il allait faire la sienne, et vous vous expliquerez sans peine qu’à, certaines heures d’abattement, de découragement, telles qu’en ont connu les plus fermes caractères, il fût comme hanté par une sorte de cauchemar, en songeant à ce coup de tête imprudent qui le liait sans retour possible.