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n’admit point cette interprétation. Il s’était habitué de bonne heure à interpréter les actes humains par leurs plus infimes mobiles, et crut comprendre qu’il s’agissait ici d’une honteuse complicité. M. Dunster, selon lui, largement payé par M. Wilkins pour s’éclipser à propos, n’était que le prête-nom d’une faillite concertée, le bouc émissaire des folles dépenses faites par son intempérant patron désormais en mesure de rejeter sur les épaules du fugitif la responsabilité du désordre introduit dans les affaires communes.

Le soir même, trouvant Ellenor occupée devant son chevalet à terminer une aquarelle, il n’hésita pas à reprendre l’entretien de la veille.

« J’ai réfléchi, lui dit-il, à votre question. La jeune fille doit, je le crois encore, avouer à celui qu’elle aime, le déshonneur qui le menace… qui menace, veux-je dire, la famille où il doit entrer… La sincérité dont elle lui aurait ainsi donné preuve ne saurait que la lui rendre plus chère.

— Ne se pourrait-il pas, balbutia Ellenor, plus que jamais appliquée à son travail, que l’aveu dont vous parlez soit de ceux qu’on ne doit jamais faire, quoi qu’il puisse arriver du silence que l’on aura gardé ?

— Toute chose est possible répliqua-t-il avec une froideur plus marquée… Mais jusqu’à ce que j’en sache plus long, il m’est impossible de me prononcer. »

Cette réserve glaciale eut l’effet qu’il devait en attendre. Ellenor posa son pinceau et cacha sa tête dans ses mains. Puis, après un instant de silence, elle se tourna vers lui, et lui dit :

« Je sais que je puis mettre en vous toute confiance. Ne me demandez pourtant pas autre chose que ceci : la jeune fille, c’est moi. Son bien-aimé, c’est vous. Un déshonneur possible menace mon père… si vient ja-