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les plus caressantes, et lissait de ses doigts effilé la chevelure du jeune homme, il n’osait lui laisser lire dans ses yeux à quel point il la trouvait changée.

Cette impression fut quelque peu atténuée quand elle reparut, un peu plus tard, en toilette du soir. Ses cheveux bruns, repoussant à peine, étaient déjà légèrement ondés. On n’en discernait pas les lacunes sous la barbe de dentelles noires qu’elle avait négligemment nouée autour de sa tête ; sur sa robe de transparente mousseline, un grand châle, aussi de dentelle noire, étalait ses riches broderies. Ses joues, ses lèvres surtout — ses lèvres parfois frémissantes, — avaient repris quelque animation. Ralph se rapprocha d’elle, attiré comme autrefois. Comme autrefois, debout auprès d’elle, il contempla ce paysage riant qui était en quelque sorte le cadre de leur amour, les longues pentes revêtues d’herbages fraîchement fauchés, et allant expirer par degrés au bord d’un petit cours d’eau babillard qui bondissait gaiement sur un lit de cailloux, en se hâtant du côté d’Hamley. Seulement il eut à se demander pourquoi le moindre bruit, venant à se produire, déterminait dans la petite main abandonnée à l’étreinte des siennes, un tressaillement convulsif.

À un moment donné, — sans que son oreille, moins susceptible sans doute que celle de la jeune fille, eût perçu le moindre son, — ce tressaillement prit le caractère d’une commotion nerveuse. Deux minutes plus tard, M. Wilkins entra dans la pièce où se tenaient les deux fiancés. Il s’empressa de prodiguer à M. Corbet les assurances de la plus cordiale bienvenue, parlant avec une extrême volubilité, mais n’accordant aucune attention à Ellenor qui, dès son entrée, s’effaçant elle-même, était retombée sur le sofa, près de miss Monro. Ce jour-là, naturellement, on dînait en famille. Ralph constata, sans trop s’en étonner, vu les circonstances, l’envieillissement de son