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clartés du couchant, lorsque la voiture qui l’amenait s’arrêta devant le perron fleuri. Les persiennes étaient baissées ; la porte d’entrée, largement béante, laissait entrevoir, dans la pénombre du vestibule, les grands vases garnis d’héliotropes, de géraniums et de roses. Mais aucun autre signe de bon accueil ne saluait l’arrivée du voyageur. Il trouva singulier qu’Ellenor ne fût pas venue à sa rencontre, et l’eût abandonné aux soins hospitaliers de Fletcher qui, après l’avoir aidé à descendre les bagages, le conduisit dans la bibliothèque sans plus de cérémonie que le premier visiteur venu. Là, par exemple, cessa le mécontentement produit chez Ralph pour ces apparences de froideur. Comment aurait-il gardé rancune à la pauvre Ellenor quand il la vit, appuyée contre la table et la main sur son cœur palpitant, incapable de faire un pas vers lui, l’appeler seulement du regard. Quel changement, quels ravages, quelle faiblesse ! Aucun des détails qu’il avait reçus ne le préparait au spectacle de cette pâleur mortelle, de ces grands yeux noirs comme perdus dans leurs caves orbites, de cette tête dépouillée où, çà et là, quelques mèches de cheveux commençaient à boucler. La jeune fille, qui d’ordinaire ne portait pas de bonnet, avait imaginé d’en mettre un pour atténuer le fâcheux effet de ce dernier détail, mais cette coiffure la vieillissait encore, au point qu’on lui aurait donné quarante ans.

À la vue de Ralph, néanmoins, ses joues si pâles se couvrirent d’un vif incarnat, et, pour peu qu’elle se fût laissée aller à son émotion, un éclat de pleurs devenait inévitable ; mais elle savait qu’il détestait les « scènes » et parvint à réprimer toute expansion inopportune : « Je suis heureuse de vous revoir, murmura-t-elle… Et j’avais grand besoin de votre présence… » Mais, tandis qu’elle cherchait les plus douces paroles, les intonations