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reur pour les fenêtres témoins du crime. Les rayons même du soleil, arrivant par là jusqu’à son lit de souffrances, lui semblaient émaner de l’ange accusateur, chargé de porter la lumière dans les abris les plus cachés.

Un jour que son fauteuil de malade l’attendait à la porte du salon, et qu’elle allait se faire traîner dans ses allées de prédilection, — les plus éloignées du parterre et du bosquet qui le jouxtait, — elle ne put retenir un léger cri de surprise en voyant — à la place de Fletcher, le valet de chambre ordinairement chargé de la promener, — apparaître la tête grisonnante de Dixon… Elle ne l’avait plus revu depuis ce moment où ils luttaient de concert, par un travail assidu, contre les obsessions de leurs âmes bourrelées. Il avait l’air souffrant ; son front sévère exprimait une sorte de mécontentement soucieux qui ne lui était point habituel. Ellenor, presque tremblante, s’enquit, lorsqu’ils se trouvèrent assez loin pour n’être pas entendus, de cette apparence maladive : « Que voulez-vous, miss Nelly ? répondit le vieux serviteur… On n’est pas de fer… et nous n’avons pas assez pensé, dans le temps, à la charge que nous prenions sur nos épaules. Je sais maintenant que pour vieillir un homme, cinquante ans ne font pas toujours la besogne d’une seule nuit… Encore si monsieur me traitait autrement… mais il me rencontre, maintenant, sans lever les yeux, sans m’adresser le moindre mot, comme si j’étais une vermine, un poison malfaisant… Voilà, miss Nelly, qui passe en vérité tout le reste. »

En parlant ainsi le brave homme, du revers de sa manche, essuyait ses yeux humides. Ellenor, faible et nerveuse, se laissa gagner par la contagion des larmes, et de sa petite main amaigrie, prenant la main ridée du fidèle serviteur, se mit à sangloter si amèrement qu’il se repentit à l’instant même d’avoir parlé.