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gnages d’un attachement devenu presque inexplicable pour elle.

Pourtant, une belle nuit où miss Monro devait veiller auprès de son élève endormie, une femme de chambre accourant sur la pointe du pied, et restant sur le seuil qu’elle n’osait franchir, fit signe à l’institutrice qu’un visiteur réclamait sa présence. Elle descendit aussitôt, et dans le salon trouva un ecclésiastique dont la figure lui était inconnue. M. Livingstone, car c’était, lui, ne lui laissa guère le temps de le questionner : « J’ai voyagé toute la journée, lui dit-il supprimant les préliminaires d’usage ; on m’a dit qu’elle était au plus mal, qu’elle se mourait… Ne puis-je obtenir de voir un instant son visage ?… Oh ! soyez tranquille, je ne dirai pas un mot… à peine si j’oserai respirer… mais faites en sorte que je la revoie au moins une fois. »

Miss Monro fut étrangement prise à court. Elle crut cependant devoir rassurer par quelques détails favorables, un jeune homme si vivement affecté, mais il ne la laissa pas achever, et, au premier mot d’espérance, il saisit sa main qu’il baisa deux ou trois fois avec une ferveur extraordinaire. Cette inconvenance, une fois pardonnée, sembla lui donner des droits sur miss Monro qui, après lui avoir recommandé de marcher avec toutes les précautions imaginables, le conduisit jusqu’à la porte d’Ellenor, dont la tête brune se détachait nettement sur la blancheur immaculée de ses oreillers. M. Livingstone tenait strictement sa parole. Pas un mot, pas un souffle ne sortait de ses lèvres. Il donna lui-même, une fois satisfait, le signal de la retraite, et quand ils rentrèrent au salon, l’institutrice et lui, la bonne miss Monro vit sur sa joue la trace humide encore de quelques larmes récentes : ceci, elle l’avouait volontiers depuis, lui alla tout droit au cœur. Aussi ne put-elle se refuser aux instances de l’in-