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Macdonald met en vente ses fameuses orchidées !… Il faut que j’expédie James au prieuré d’Hartwell… je veux qu’il suive les enchères ; elles doivent durer trois jours… »

Trois jours ! répétait-elle avec une ardeur fébrile, en courant donner ses ordres au jardinier de la maison. Effectivement, il n’en fallait pas davantage pour donner au gazon remué le temps de reprendre son aspect naturel. D’ici là, miss Monro se promènerait seule dans le jardin, et miss Monro, lectrice acharnée, myope par-dessus le marché, n’était pas une observatrice fort à craindre. Mais, une fois le jardinier expédié, lorsqu’elle n’eut plus aucun soin à prendre, aucune activité à se donner, la pauvre enfant demeura aux prises avec les tristes réflexions que lui suggérait le mensonge délibéré dont venait de se rendre coupable l’homme qu’elle honorait, qu’elle aimait le mieux au monde. Il y avait là quelque chose d’inouï, de monstrueux, que sa conscience ne pouvait admettre, un ébranlement de ses croyances les plus intimes et les plus fermes. Cette catastrophe intérieure produisit en elle une immense lassitude qui amena bientôt à sa suite un irrésistible besoin de sommeil. Miss Monro, sans se douter de rien, la voyait fort souffrante et ne la quittait plus. Ellenor bientôt ferma les yeux pour ne plus rien voir et n’avoir plus rien à dire. Son père en rentrant la trouva profondément endormie, mais au moment où il se penchait vers elle avec une affectueuse sollicitude, elle s’éveilla tout à coup, et son premier mouvement fut d’enfouir sa tête sous les coussins du sofa qui lui servait de lit. Puis se ravisant, et songeant à l’interprétation que le malheureux pouvait donner à ce geste involontaire, elle se retourna vers lui, l’entoura de ses bras, et couvrit ses joues glacées de baisers qu’il n’osait pas lui rendre. Comme elle n’avait encore rien pris de la