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ce qui est insensé, je l’avoue, c’est d’avoir cru que je pouvais vous intéresser à moi, si peu que ce fût, lorsque vous me connaissiez à peine. De ceci seulement je m’accuse, et j’en ai honte, surtout lorsque je pense à l’état où semble vous avoir mise une démarche évidemment intempestive. »

Ellenor, en effet, à qui ses jambes refusaient service, venait de se rasseoir en dépit de tous ses efforts, pour rester debout. M. Livingstone avait déjà la main étendue vers le cordon de la sonnette : « Non, lui dit-elle, attendez !… donnez-moi une minute de répit… » Et ses yeux rencontrant le regard respectueusement sympathique du jeune vicar, se remplirent de larmes involontaires, mais elle réprima cette malencontreuse émotion, et, par un nouvel acte de volonté, se retrouva debout. « Il me semble, reprit M. Livingstone, que je vous rendrais service en me retirant. Me serait-il, en revanche, permis de vous écrire, de vous exprimer à loisir ?…

— Non, interrompit vivement Ellenor, ne songez point à m’écrire. Vous avez ma réponse… Nous sommes, nous devons rester étrangers l’un à l’autre… Ma main est promise. Je ne vous l’aurais pas dit, croyez-le, sans le touchant intérêt que vous me témoignez aujourd’hui… Acceptez mes remerciements, mais retirez-vous. »

Le pauvre jeune homme était maintenant aussi pâle qu’Ellenor elle-même. Après un moment de réflexion s’emparant d’une de ses mains : « Que Dieu vous bénisse, lui dit-il avec émotion, vous et celui que vous me préférez !… mais le moment peut venir où vous aurez besoin d’une amitié fidèle… Laissez-moi penser que vous compterez toujours sur la mienne… ! »

À ces mots, baisant la main qu’elle lui abandonnait, il la laissa seule, assise, immobile, et comme lasse de vivre. Miss Monro, fort heureusement ne tarda pas à la venir