Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

près duquel venait d’être ouvert le tombeau récent. Son ombre portait presque sur le recoin gazonné où elle avait naguère installé pour Ralph ce thé en plein air que nous avons décrit. C’était là que son père, — elle s’en ressouvint tout à coup, — avait passé, pâle et frissonnant, comme assailli par un pressentiment funèbre.

Là, donc, sous ces épais massifs, les deux travailleurs ménageaient leurs mouvements de façon à ne produire presque aucun bruit : mais pour les oreilles d’Ellenor, l’interprétation du moindre son était facile. Ils n’avaient pas terminé l’œuvre ténébreuse lorsque les oiseaux commencèrent à gazouiller leur hymne matinal. Les portes se fermèrent peu après, et tout rentra dans un repos absolu.

Ellenor se jeta tout habillée sur son lit, heureuse que son extrême fatigue et une véritable souffrance physique, vinssent par moments l’arracher à l’angoisse morale qui la menait çà et là jusques aux confins de la folie.

La fraîcheur de l’aube la fit se glisser instinctivement sous sa couverture, et, bientôt après, un sommeil vainqueur la plongea dans une sorte de néant.


VI


La femme de chambre vint, comme d’habitude, gratter à la porte d’Ellenor, qui la renvoya sans lui ouvrir, prétextant une horrible migraine : « Vous direz à miss Monro, ajouta-t-elle, que je la prie de déjeuner seule et vous m’apporterez une tasse de thé. » Mason à peine partie, Ellenor s’élança de son lit, se déshabilla précipitamment et se recoucha de telle façon qu’en lui apportant la bois-