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cette fosse sur laquelle ne devait descendre aucune bénédiction, M. Wilkins renvoya Ellenor. Elle les avait assistés suffisamment, le reste les regardait seuls. Elle comprit qu’ils avaient raison. Ses nerfs, d’ailleurs, et sa force physique eussent été mis à une trop rude épreuve s’il avait fallu persister jusqu’au bout. Dixon était allé chercher ce qu’il fallait pour charrier le cadavre : elle s’approcha de son père, assis en ce moment sur la terre humide, à l’extrémité du sépulcre encore béant, et voulut lui laisser un baiser d’adieu. Il la repoussa du geste, avec calme, mais avec autorité : « Non, disait-il, non, ma Nelly… Vous ne m’embrasserez plus jamais… Car je suis un assassin.

— Assassin ou non, je veux, je veux vous presser sur mon cœur, lui répondit-elle en se jetant fermement à son cou, et en couvrant son visage de baisers impétueux… D’ailleurs, ce n’est point-là un assassinat, mais, j’en jurerais, un accident désastreux. »

Cédant alors à de nouvelles instances, elle quitta son malheureux père, et dut traverser encore une fois, non sans frissonner de la tête aux pieds, le théâtre de ce sombre drame où elle venait, à l’improviste, de prendre son rôle.

En rentrant chez elle, par un mouvement tout machinal, elle poussa le verrou de sa porte, et courut se pencher à sa fenêtre ; une impulsion irrésistible lui faisait un besoin de voir s’accomplir, jusqu’au bout, la sinistre série de ces événements destinés à rester enveloppés de mystère. C’était, si l’on veut, une fascination. Cependant l’obscurité plus épaisse qui précède, à ce moment de l’année, le lever du jour, défiait l’effort de ses yeux tendus et endoloris. Elle distinguait seulement le profil des arbres se découpant sur le ciel vaguement lumineux, mais elle les connaissait tous, et aurait pu désigner celui