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fut ensuite le premier à reprendre la parole : « Maître Ned[1], dit-il, familiarité qui remontait au temps de leur camaraderie d’enfance, — maître Ned, il faut prendre un parti quelconque. »

Le serviteur parlait avec l’autorité que tout homme de sang-froid possède sur celui qui semble dépourvu de virile initiative. Personne ne lui répondit. Un parti à prendre, soit, mais lequel ?

« Personne ne l’a-t-il vu entrer ici ? » demanda Dixon, après une nouvelle pause. Ellenor leva les yeux sur son père, attentive à ce qu’il allait répondre. Une perspective s’ouvrait dans les ténèbres profondes qui l’entouraient un instant plus tôt. Il s’agissait, il est vrai, d’une dissimulation, d’un mystère ; mais ne fallait-il pas, à tout prix, se placer entre son père et le châtiment qui ne manquerait pas d’atteindre ce dernier, si la vérité se faisait jour ?

M. Wilkins ne répondit pas. Au fait et au prendre, il n’avait rien entendu : — « Oui, reprit-il, se parlant à lui-même. Il n’y a pas une heure que j’étais encore innocent de ce meurtre. »

Dixon se leva résolument, et versa dans un grand verre la moitié de l’eau-de-vie qui restait dans le flacon encore débouché : « Buvez, master Ned ! Non, continua-t-il, s’adressant à Ellenor, qui semblait vouloir s’interposer… Non, ma bonne miss, laissez-moi faire !… Cela ne lui fera aucun mal… Il faut lui remettre le cœur au ventre, rappeler ses idées effarouchées… Ce n’est pas trop de tout notre esprit pour nous tirer de cet embarras… Maintenant, monsieur, répondez ?… Quelqu’un a-t-il vu M. Dunster entrer ici avec vous ?

— Je ne sais, répondit Wilkins… Les souvenirs de cette triste soirée sont comme enveloppés d’un brouil-

  1. Ned, abréviation familière du nom d’Édouard.