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d’automne et d’hiver, hurlent et font rage autour de la vieille maison que cerne le cimetière. Parmi les pierres tombales qui se pressent les unes contre les autres, six portaient déjà le nom de Bronté, la mère et cinq enfants, tous morts à la fleur de l’âge, tous doués d’un éclair de génie fatal et mystérieux.

La description du petit village de Haworth, par Mrs Gaskell, rappelle les beaux décors que fit jadis Daguerre pour le drame de Calas : au lever du rideau, on pressentait ce qui allait se passer. Ici de même, l’aspect vrai du lieu fait pressentir le drame simple et navrant.

Une mère délicate, faible et malade, pauvre plante déracinée du sol natal, transplantée du climat de la Cornouailles sous le ciel inclément du nord, et se sentant mourir. Le père, nature violente et stoïque. « Quand il était en colère, il déchargeait ses pistolets à plusieurs reprises par la porte de derrière de la maison. En entendant les explosions répétées, sa femme disait : — Ne dois-je pas rendre grâce à Dieu qu’il ne lui soit jamais échappé avec moi une parole dure ? »

Après la mort de la mère, le pasteur, absorbé par ses études de théologie, par ses devoirs ecclésiastiques, continua de vivre à part, de manger seul. Livrés à eux-mêmes, les six enfants allaient, en se donnant la main, parcourir les landes désertes, ou gravir la colline couronnée de bruyères. À la maison, ils parlaient bas, et s’amusaient sans bruit. À défaut de livres enfantins, ils lisaient le journal et se passionnaient pour la politique. Ils composaient et jouaient de petites pièces dont le héros, toujours vainqueur, était Wellington. Ils discutaient sur les mérites comparatifs de Bonaparte, d’Annibal, de César.