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— Taisez-vous, enfant, taisez-vous !… Ce qui est accompli n’a pas de remède. »

Quittant des yeux son père, elle regarda le visage de Dixon, dont la physionomie attristée et presque tragique s’entrevoyait dans la pénombre de l’escalier « Est-il mort ? » demanda-t-elle.

Le fidèle serviteur fit un pas en avant, et par là même, sans aucune irrévérence, écarta son maître. Puis il se pencha sur le corps inanimé, regardant, écoutant avec une extrême attention : il prit ensuite un des flambeaux posés sur la table et fit signe à M. Wilkins de fermer la porte, ordre muet qui fut immédiatement exécuté. L’épreuve était décisive, et le malheureux attorney la suivit de l’œil avec une anxiété profonde, un reste de folle espérance. La flamme de la bougie ne vacilla point, et continua de pointer impitoyablement vers le plafond, quand on la rapprocha des narines immobiles et de la bouche entr’ouverte. Pendant cette opération, la tête soulevée posait sur le bras robuste de Dixon, qui, de la main restée libre, manœuvrait lentement le chandelier. Ellenor se figura qu’elle le voyait trembler, et lui saisit vivement le poignet pour donner au bras qui servait de support l’immobilité requise.

Tout fut inutile. On replaça la tête sur les coussins qui lui servaient d’oreiller, et, Dixon debout à côté de son maître, tous deux se mirent à contempler, avec une véritable émotion, ce mort auquel ils avaient voué naguère des sentiments si peu sympathiques. Ellenor ne bougeait ni ne pleurait, absorbée dans une sorte de catalepsie.

« Comment cela est-il arrivé ? » finit-elle par demander à son père, après un long intervalle de silence.

Il se fût volontiers dispensé de lui répondre : mais ainsi questionné par ses lèvres, adjuré par son regard, il lui fut impossible de ne point dire la vérité. Aussi, chaque