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le silence de cette nuit sereine. Elle n’entendait — nous n’entendons tous, en pareille circonstance, quand l’oreille est avidement tendue à la moindre sonorité, — que les battements précipités de son cœur, et, çà et là, le tumulte produit par l’afflux du sang que l’émotion appelait vers ses tempes.

Combien ceci dura-t-il ? jamais elle ne l’a su. Seulement, après un délai plus ou moins long elle entendit, dans la chambre à coucher de M. Wilkins, contigüe à la sienne, des pas qu’elle reconnut sans hésiter, malgré leur rapidité inaccoutumée : mais lorsqu’elle courut au-devant de son père pour lui demander s’il n’était rien arrivé, s’il pouvait lui donner quelques minutes d’attention, — s’il avait le temps de lire la lettre de M. Livingstone, — elle entendit ouvrir la porte extérieure de cette pièce, puis quelqu’un en sortit, et se dirigea, courant presque, le long de l’allée du verger. Supposant assez naturellement que M. Dunster se retirait enfin, elle revint chercher la lettre dont elle voulait que son père prît connaissance, et, munie de ce papier, descendit par l’escalier tournant qui mettait la chambre à coucher de M. Wilkins en communication directe avec son cabinet de travail. En prenant une autre route, elle risquait d’éveiller miss Monro, et par là même d’avoir une interrogatoire à subir le lendemain matin. Ceci l’effrayait tellement que, même sur ce degré lointain, où personne n’avait accès, elle se glissait à petit bruit, comme pour éviter une surprise.

À son entrée dans le cabinet, la lumière de deux flambeaux éblouit un instant ses yeux, tout à l’heure aux prises avec les ténèbres. Les bougies jetaient un éclat d’autant plus vif qu’un courant d’air assez fort, déterminé par l’ouverture simultanée des deux portes, activait désormais leur combustion. Pendant un moment, Ellenor se crut seule dans la chambre… mais, à son indicible