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paraître odieux ! Aucun doute, d’ailleurs, sur le parti à prendre. La soirée était trop avancée pour que l’hôte mal venu ne fût pas obligé d’abréger sa visite. Elle descendrait alors, et combinerait avec son père les mesures voulues pour que M. Livingstone reçût de lui, avec tous les égards, tous les ménagements possibles, un refus en bonne forme.

En attendant, elle se laissait peu à peu absorber par ses rêveries habituelles, toujours assise à la même place et, de temps à autre, essayant de chasser les visions dorées qui lui faisaient perdre de vue l’objet de ses récentes réflexions. Elle sentit le froid la gagner, se leva pour aller prendre un châle, et reprit sa place après l’avoir drapé autour d’elle. Il lui sembla qu’il se faisait très-tard. La clarté lunaire devenait de plus en plus vive, les ombres inscrites çà et là sur le sol lumineux semblaient plus noires et plus intenses… Il n’était pourtant pas à croire que M. Dunster eût pu se glisser dans les obscures allées du verger avec assez peu de bruit pour n’être pas entendu. — Comme elle abordait cet ordre de conjectures, les deux voix, jusqu’alors arrêtées au passage par les fenêtres closes du cabinet, se firent entendre, puis son père, dont elle reconnut l’organe, se prit à maudire les importunités dont il était victime… Il y eut alors un mouvement dont elle ne put se rendre compte, et qui semblait provenir de fauteuils brusquement repoussés ; puis un bruit inexplicable, le sourd retentissement d’un poids qui frappe le sol dans sa chute… Encore le froissement des fauteuils qui se heurtent, mais cette fois il était plus léger. Et ensuite, un profond, un absolu silence.

Ellenor, pour mieux entendre, posa sa tête de côté, sur l’appui de la fenêtre, — car un instinct mystérieux la tenait défaillante sous le coup d’une angoisse inexprimable. Aucun bruit, aucun son perceptible ne troublait