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que la pauvre enfant s’était mise en frais d’amabilité sans prévoir les étranges conséquences de ce pieux dévouement.

Elles ne devaient point tarder à lui être révélées, car le naïf Livingstone, emportant de cette première rencontre une impression, d’autant plus vive qu’il s’était vu plus encouragé, passa la nuit tout entière à réfléchir sur le rare mérite de la charmante personne qu’il semblait avoir intéressée à ses projets d’avenir. Peut-être n’avait-elle pas manifesté tout à fait assez d’enthousiasme pour les écoles de paroisse ; mais abstraction faite de ce détail, on ne pouvait rêver une compagne plus charmante, et associer à ses travaux une personne mieux faite pour en assurer le succès. Ainsi raisonnant ou déraisonnant, l’amoureux ministre rédigeait une demande en bonne forme, où il exposait le fort et le faible de sa situation présente, ses chances d’avenir, les protections sur lesquelles il croyait pouvoir faire fonds, bref tout ce qui justifiait à ses yeux une démarche dont l’attitude d’Ellenor ne lui laissait pas deviner la complète inopportunité.

Dès le lendemain soir, à l’heure du thé, cette requête imprévue, adressée à miss Wilkins, lui fut remise en présence de miss Monro. La suscription, d’une écriture inconnue, piqua tout d’abord sa curiosité ; mais à peine avait-elle pris connaissance des premières lignes, que son regard courut à la signature, et la signature lui expliqua tout. Confuse et choquée au dernier point d’avoir autorisé si promptement de pareilles espérances, elle se garda bien d’en rien laisser percer devant sa compagne mais se réservant de montrer à son père, lorsqu’il rentrerait, — il dînait encore en ville ce jour-là, — l’étrange lettre de M. Livingstone, elle voulut prendre sa leçon d’italien comme si de rien n’était. Seulement elle donna congé à miss Monro de meilleure heure qu’à l’ordinaire et se