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pelé, peu de temps après, par une tragique coïncidence.

Nous avons eu occasion de dire qu’à Hamley et dans le reste du pays, sauf M. Ness et les anciens serviteurs de la famille, personne n’était informé des engagements survenus entre Ellenor et le jeune Corbet. Ce fut donc en toute sûreté de conscience qu’un jeune ecclésiastique, invité dîner en même temps que l’attorney et sa fille chez une vénérable douairière des environs, se laissa toucher par la bonne grâce et l’attrayante humeur de miss Wilkins. Placé près d’elle à table, il l’avait entretenue, avec une candeur amusante, de la petite cure à laquelle il venait d’être nommé, du bien qu’il espérait y faire, des écoles de paroisse qu’il comptait fonder ; or il n’avait pas tenu à lui de penser qu’il intéressait particulièrement sa voisine, dont le sympathique sourire et la politesse attentive le charmèrent au delà de toute prévision. Que devint-il après le dîner, lorsque ramenant sa voisine au salon, il se vit interpellé par elle avec un zèle, un empressement inattendus, harcelé de questions dont elle n’attendait pas toujours la réponse, rappelé chaque fois qu’il s’éloignait par un aimable reproche ou un regard presque suppliant ? Il y avait de quoi perdre la tête, et M. Livingstone la perdit en effet tout de bon, ne pouvant guère deviner le motif de toutes ces prévenances. Dans le fond, et sous tant de coquetteries involontaires, il n’y avait qu’une vive inquiétude, un grand besoin de détourner l’attention : Ellenor venait de s’apercevoir, en quittant la salin à manger, que son père n’avait pas su contenir dans de justes bornes le goût fatal qui, depuis quelque temps, prenait sur lui un si déplorable empire. Sa démarche incertaine, sa diction pénible ne pouvaient laisser de doute là-dessus, pour peu qu’on l’observât avec quelque attention ; et c’était justement afin de détourner l’attention des convives en la concentrant sur elle-même,