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son repas du soir, engourdi dans son fauteuil, il passait de longues heures en tête-à-tête avec son vin favori, et ses gens, dont il était d’ailleurs fort aimé, se plaignaient entre eux de le trouver chaque jour plus grondeur et plus irritable. Dixon avait fini par s’en alarmer. Il aurait voulu qu’Ellenor déterminât son père à profiter de l’amélioration du temps pour reprendre leurs excursions équestres. « Notre maître est trop souvent enfermé,… il travaille trop,… un peu d’air lui ferait du bien. » Mais lorsque la jeune fille essaya d’agir selon les vœux du fidèle serviteur, elle rencontra une résistance imprévue. — Elle en parlait bien à son aise… Libre aux femmes de n’avoir que la promenade en tête mais les hommes ont autre chose à faire… — Puis, la voyant étonnée de cet accueil un peu brusque, l’attorney se radoucit tout à coup et s’excusa presque en mettant sa mauvaise humeur sur le compte des importunités de Dunster, qui le harcelait sans cesse. « On ne peut pas manquer un jour au bureau sans être en butte à des reproches, à des sorties désagréables… sans compter les empiétements continuels que ce monsieur se permet à mon préjudice… au préjudice de son ancien, de son chef. On m’y verra donc, à ce bureau… et il faudra bien alors que chacun reprenne sa place. »

Ellenor, désappointée dans ses espérances et fort surprise d’avoir à lutter contre l’autorité d’un homme qu’elle avait vu, naguère encore, jouer chez son père le rôle de subalterne à gages, ne put s’empêcher de trouver fort impertinents les reproches et les exigences de M. Dunster ; mais ce léger nuage ne pouvait attrister longtemps la radieuse sérénité de son âme. La seule pensée de Ralph dissipait tout ce qu’il y avait d’obscurité menaçante et de pressentiments sinistres dans les nouvelles conditions de son existence quotidienne. Les fêtes de l’hiver avaient