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fuges logiques, que l’intérêt des fonds assez considérables à lui laissés par son père, ajouté aux revenus d’une étude bien achalandée, avait dû suffire à défrayer un ménage peu nombreux, dans une ville de province où la vie, généralement, n’est pas regardée comme très-coûteuse. Ce calcul à vol d’oiseau ne tenait compte ni du nombre des domestiques, ni des chevaux de prix qui meublaient l’écurie, ni des vins de choix dont la cave n’avait jamais manqué, — non plus que des dépenses du jardin où les fruits rares, les fleurs exotiques étaient cultivés à grands frais, — sans parler de la facilité avec laquelle ce jurisconsulte aux goûts d’artiste se donnait, coûte que coûte, les livres, les gravures, les objets d’art qui tentaient son imagination vagabonde. Il y avait bien eu çà et là quelques remords de conscience, quelques économies à tort et à travers, exagérées comme il arrive de ces efforts saccadés contre une habitude tyrannique, mais en songeant qu’Ellenor allait entrer dans une famille opulente, — et en se disant que son futur était l’héritier légal des biens maternels, — notre brave homme, tout à coup tranquillisé, avait toujours après quelques semaines de parcimonie, repris ses anciennes façons de vivre.

Une fois sommé de pourvoir sa fille, il ne douta pas qu’il ne pût le faire convenablement : mais encore fallait-il, pour s’en assurer, procéder à certaines investigations dont il se sentait, par avance et comme en vertu d’un pressentiment secret, plus contrarié qu’il n’aurait voulu l’avouer. Il se promettait de les faire, mais il ajournait cette tâche ingrate, et tout d’abord décida qu’il ne parlerait point à Ellenor de la démarche de Ralph. Elle ne lui en parla pas davantage bien qu’elle eût reçu le même jour, de son prétendu, la prière expresse de plaider auprès de M. Wilkins la cause de leurs jeunes amours, prière accompagnée de toutes les précautions oratoires