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térité de son fils. Pour cela, M. Wilkins jugerait peut-être opportun de doter sa fille, et dans ce cas, on lui serait obligé de faire connaître d’avance le chiffre des avantages qu’il était disposé à lui assurer immédiatement.

Cette mise en demeure vint troubler péniblement M. Wilkins dans l’espèce de rêve où il se plaisait à vivre. Il avait du goût pour Ralph Corbet, et le mariage projeté ne lui déplaisait point, en ce qu’il lui laissait toute sécurité pour l’avenir d’Ellenor ; mais il n’avait jamais fait entrer dans ses calculs, assez vagues, la réalisation très-prochaine de cette union. D’abord, il ne s’imaginait pas séparé de cette enfant qui l’adorait et dont l’affection était devenue pour lui une espèce de nécessité ; — puis, il s’était bercé de l’espérance qu’elle ne se marierait qu’après l’avoir perdu, et par conséquent il ne se préoccupait pas de la dot à trouver pour elle. Cependant, lorsqu’il descendit au déjeuner, tenant à la main l’épître mal venue, et lorsque l’attitude de sa fille, qui vint l’embrasser en rougissant, ne lui permit pas de douter qu’elle ne fût au courant de la démarche tentée auprès de lui, le pauvre homme n’eut pas le courage d’entamer la moindre discussion. Il remit la lettre en poche, et s’efforça de n’y plus penser.

Sa répugnance ne portait pas seulement, il faut bien le dire, sur le mariage de sa fille et la séparation qui devait s’ensuivre. Il envisageait avec une souveraine déplaisance la nécessité d’approfondir en détail l’état actuel de ses ressources pécuniaires. Depuis plusieurs années ses dépenses, il le savait fort bien, avaient notablement excédé ses revenus, même en évaluant ceux-ci au chiffre le plus élevé que son optimisme pût lui suggérer. Jamais il ne s’était astreint à tenir des comptes réguliers, se persuadant volontiers, par toute sorte de subter-