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tait alors le titre de lady Holster prit à cœur de répondre à ces blâmes inopportuns : « Miss Wilkins, dit-elle fort haut, appartient à la famille de sir Frank, une des plus anciennes du pays. Son père, il est vrai, n’était pas des nôtres, et j’aurais compris qu’on ne l’accueillît point ici ; mais du moment où il a figuré dans nos assemblées, je ne vois pas comment on pourrait contester à miss Wilkins le droit d’en faire partie. » Après une déclaration pareille, les plus rebelles durent baisser le nez, et le père d’Ellenor put jouir sans réserve des succès de sa fille, à coup sûr la plus jolie personne de ces bals aristocratiques. Si son enthousiasme se traduisit par quelques dépenses au moins superflues, ce fut bien malgré l’idole qu’il voulait parer de joyaux coûteux : un jour qu’il projetait devant elle de faire monter à nouveau une belle parure de perles qui venait de Lettice Holster : « Non, cher père, lui dit-elle avec émotion, je les préfère telles que maman les a portées. — Vous avez raison, » répondit-il ému de ce scrupule filial ; mais il alla du même pas commander une parure de saphirs pour la plus prochaine soirée.

L’élégance de ses toilettes, le charme incontestable de sa personne ne sauvaient pas toujours à la belle enfant le contre-coup du discrédit attaché à son origine plébéienne. Les admirateurs ne lui manquaient certes pas, mais les danseurs ne venaient point l’engager aussi fréquemment qu’elle l’aurait souhaité, dans son entrain de débutante. Telle noble matrone à qui son père la confiait, et qui ne refusait pas formellement les charges du chaperonnage lui prouvait, par ses airs d’ennui, son silence étudié, qu’elle remplissait ce rôle avec une certaine répugnance. Contre-temps futiles, mortifications à peine ressenties ; — la gaieté de la jeunesse, l’étourdissement des premiers hommages en ont fait oublier de bien plus graves. Ralph Corbet, d’ailleurs, venait de temps à autre