Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que leurs singulières prétentions n’ont pas encore égalé aux Plantagenet ; mais, Dieu merci, je suis au-dessus de ces préjugés surannés, et mon rôle de fils cadet me permet heureusement de ne pas me rabaisser en épousant la fille d’un riche attorney… »

Ce fut en vertu de ces raisonnements que Ralph partit sans avoir manifesté ses intentions matrimoniales. Ellenor ne s’inquiéta point de ce silence ; mais son père en fut quelque peu désappointé. Il s’attendait à quelques ouvertures du jeune homme, et, celles-ci manquante, à quelques confidences de sa fille, pour lesquelles il lui ménagea tout exprès un long tête-à-tête avec lui. Quand il se fut ainsi assuré qu’elle n’avait rien à lui dire, il éprouva peut-être un léger mouvement d’irritation ; mais, en optimiste qu’il était, n’apercevant aucun symptôme d’agitation ou de chagrin dans les propos de son enfant, — toujours aussi affectueuse, disons mieux, aussi tendre que par le passé, — il se rassura petit à petit, et sut même gré à leur jeune hôte de n’avoir pas prématurément déchiré, pour en hâter l’éclosion, le frêle bouton de cet amour qui semblait s’ignorer encore.

Ainsi se passèrent deux années de plus, sans amener aucun changement perceptible dans l’existence routinière dé la famille au sein de laquelle nous avons introduit nos lecteurs. Mais il en est du temps comme de ces corps de troupes qui, vus de loin, semblent immobiles et n’en avancent pas moins vers le but marqué d’avance à leurs manœuvres. On ne s’aperçoit de son influence fatale, toujours à l’œuvre, qu’au moment où ses menaces, longtemps inaperçues, se traduisent en effets immédiats. Ainsi en est-il pour vous qui me lisez, pour moi qui trace ces lignes ; ainsi en était-il pour M. Wilkins, chez lequel exerçaient à petit bruit leurs ravages ces habitudes que nous avons vues germer en lui, et qui prenaient insen-