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déclarer formellement avant de repartir pour Cambridge. Une certaine répugnance l’avait empêché jusqu’alors de s’adresser à M. Wilkins, ce qui était pourtant la démarche la plus naturelle, puisque la jeune fille dont il voulait solliciter la main n’avait guère plus de seize ans. Craignait-il donc de rencontrer quelque difficulté ? Rien de moins probable, car l’attorney semblait favoriser, autant que faire se pouvait, une intimité dont les résultats n’étaient point difficiles à prévoir. Mais, une fois la demande faite, il faudrait, de toute nécessité, que le père du jeune homme en reçût communication, et ce grave personnage pourrait bien regarder comme un enfantillage l’attachement de deux fiancés dont le plus âgé n’avait pas plus de vingt et un ans. Tout en protestant au dedans de lui contre toute imputation qui mettrait en doute la parfaite maturité de son jugement et la fermeté de ses décisions, Ralph voulut bien ajourner encore l’exécution d’un projet sur lequel il n’entendait plus revenir. En attendant, fallait-il le révéler à Ellenor ? Lui déclarerait-il l’intention où il était de la prendre pour femme ? Il y songea longtemps et se décida pour la négative, qui lui sembla plus prudente : « Si je m’explique, se disait-il, je n’ai à craindre ni un refus d’Ellenor, ni un repentir de ma part ; mais de deux choses l’une : — ou bien elle ira, comme elle le doit, tout rapporter a son père, et autant vaudrait m’adresser directement à ce dernier ; — ou bien elle me gardera le secret, ce dont je ne pourrai m’empêcher de la blâmer intérieurement. Mieux vaut se taire, à coup sûr. Je sais qu’elle m’aime : j’ai tout lieu de compter sur elle. Pourquoi devancer l’heure où ces sentiments pourront être avoués sans créer d’inutiles querelles, sans donner lieu à de vaines objections ? Je puis d’avance prévoir tout ce que l’orgueil de notre race trouvera d’humiliant à une alliance avec ces Wilkins,