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ne se permettait la moindre observation, la moindre critique, mais ses airs désespérés, ses sourcils levés, ses lèvres pincées, à propos de la plus petite infraction aux us et coutumes du métier, troublaient son patron bien mieux qu’aucune censure explicite. Aussi ce dernier le prit-il par degrés en grande estime, et en respectueuse aversion. Plus il l’approuvait, moins il le pouvait souffrir. Ce visage austère, qui le rappelait à des devoirs odieux, lui devint profondément antipathique. La voix monotone, le débit officiellement scandé de son premier substitut lui portait sur les nerfs, et l’accent provincial qu’avait conservé ce clerc modèle, affectait péniblement la délicatesse de ses fibres auditives. Certain grand surtout vert dont M. Dunster s’affublait avec une héroïque persistance, était pour son patron un sujet d’ennui, dont il étudiait avec une sorte de plaisir puéril la décadence graduelle. Que devint ce plaisir, le jour où il découvrit que son subordonné, de par une perversité heureusement fort rare, portait chaque jour, — le dimanche y compris, — des vêtements de même couleur ? Fallait-il donc que ces habits ridicules, cet accent fâcheux, ces airs effarés et sournois appartinssent à un collaborateur irréprochable, — à un vrai trésor, comme le disait Wilkins lui-même, — à un précieux agent dont il fut démontré, en moins de six mois, que l’étude ne pouvait plus se passer ? Les clients en effet, écoutés, servis comme aux plus beaux jours, chantaient eux aussi les louanges de M. Dunster. Pour eux, il n’avait aucun des inconvénients que Wilkins trouvait si insupportables, et la netteté de ses avis, l’exactitude de ses réponses, la disponibilité permanente qu’ils trouvaient en lui, les rendaient absolument indifférents à la nuance vert-bouteille de son vieux surtout. Ils s’en moquaient bien moins que des armoiries peintes sur le brougham de maître Wilkins.