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M. Ness l’eût attendu patiemment, mais son nouveau disciple n’était pas, à beaucoup près, d’aussi bonne composition, et miss Ellenor le trouvait presque toujours dans le chemin fleuri qui menait de la porte de M. Wilkins à celle du révérend ministre. Au début, ces rencontres n’amenaient que l’échange rapide de quelques paroles banales ; mais la conversation se lia peu à peu, et il n’était pas rare que M. Corbet, raccompagnant la petite envoyée, revînt avec elle jusqu’au jardin dont elle prenait soin, pour lui donner quelques conseils d’horticulture écoutés avec une déférence toujours croissante. Ces conseils spéciaux s’étendirent par degrés à d’autres matières que le jardinage, Maître Ralph, volontiers sentencieux, y mêlait des leçons de bienséance, voire, au besoin, d’amicales gronderies que l’humilité naturelle d’Ellenor lui faisait accepter avec une sincère gratitude. Ils devinrent très-bon amis, mais sans qu’un sentiment plus tendre parût naître dans le cœur de la jeune fille. Il battait, ce cœur innocent, à l’heure du retour paternel, mais Ralph Corbet n’avait encore conquis aucun privilège de cet ordre, et sur les joues vermeilles de sa petite amie on n’aurait pu discerner une nuance de plus lorsqu’elle le voyait paraître, pas une de moins lorsqu’il s’éloignait d’elle.

Vers cette époque se manifestèrent aussi, d’abord peine aperçus, quelques symptômes avant-coureurs, qui présageaient au carnet Wilkins une décadence future. Les parties de chasse du patron n’avaient été d’abord que des distractions fortuites ; elles devinrent un passe-temps habituel. Il prit prétexte de la santé d’Ellenor pour louer, de compte à demi avec un de ses parents, une vaste lande en Écosse. L’année d’après, la chasse qu’il loua de moitié avec un étranger ne comportait aucune des commodités nécessaires à la vie en famille. Les voyages de-