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père d’Ellenor, reprit peu à peu ses habitudes de bon et joyeux convive, causeur brillant après boire. Il faisait de fréquents voyages à Londres, pour se tenir au courant de tout ce qui intéressait son intelligente curiosité : jamais il ne revenait de ses tournées dans la capitale sans rapporter à sa fille quelque nouveauté de toilette, quelque joujou à la mode.

Le seul personnage de sa classe avec lequel il eût conservé des rapports fréquents, le seul habitant de Hamley, qu’il traitât avec une véritable amitié, était un de ses camarades d’Université, en compagnie duquel, pendant les deux meilleures années de sa vie, il avait voyagé sur le continent. Ce digne ecclésiastique, nommé Ness, versé dans les études classiques, recevait de temps à autre dans son vicarage un ou deux jeunes gens qu’il préparait à leurs examens définitifs, et M. Wilkins ne manquait guère de les comprendre dans les invitations qu’il adressait à leur professeur. À l’époque où Ellenor venait d’atteindre sa quatorzième année, l’élève confié aux soins de M. Ness était un jeune homme du nom de Corbet, âgé de dix-huit ans, mais à qui sa maturité précoce en eût fait aisément donner vingt-cinq, tant il y avait de réflexion dans sa conduite et de sûreté dans ses jugements. Ses relations sociales, d’accord avec la volonté de ses parents, le portaient à chercher dans la profession du légiste un supplément à des revenus déjà fort honnêtes. Une plus haute ambition l’animait du reste, et sans viser au chimérique « sac de laine » qui peuple de futurs chanceliers les avenues du jeune barreau, il entrevoyait dans l’étude des lois le début d’une carrière politique, un acheminement à quelque siége parlementaire, le moyen de s’assurer plus tard une haute influence sur la destinée de ses contemporains. C’est dans ce but qu’il avait décidé son père a le placer sous la coûteuse tutelle de