Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assiduité, des soins, des consolations toutes maternelles, et probablement lui sauva la vie. Aussi l’aima-t-elle désormais passionnément, et d’un amour si complet, si absolu, si ingénieux dans ses manifestations, qu’il ne put s’empêcher d’en tirer une espèce d’orgueil. Le matin, quand il s’éloignait, elle le suivait du regard, penchée à la fenêtre, aussi longtemps qu’il restait en vue : « Il reviendra ce soir, » se disait-elle ensuite, comme pour bannir une terreur secrète. Le soir, après avoir couché sa poupée, elle concentrait toute son attention sur les bruits de la route, et en était venue à discerner avant qui que ce fût le trot du cheval qui lui ramenait son père. — « Je n’entends rien, lui dit un soir sa nourrice, comme elle aux écoutes. — Je crois bien, répondit Ellenor, ce n’est point votre papa. »

M. Wilkins était jaloux de cette affection tout à fait hors ligne. Il voulait que sa fille lui dût tous ses plaisirs, et, par contre, écartait de ses relations avec elle tout ce qui l’eût forcé à la blâmer ou à la punir. Aussi eut-elle une gouvernante choisie par lady Holster, et acceptée sous condition qu’elle laisserait Ellenor présider au thé de chaque soir ; — et qu’elle ne chercherait pas à la rendre meilleure, attendu qu’on y perdrait son temps et sa peine. Miss Monro se trouva justement la personne la mieux adaptée à ce programme. Elle avait mené jusque-là une existence assez tourmentée, assez pénible, pour apprécier la tranquillité d’un rôle à peu près passif. Il lui paraissait fort doux de rester chez elle, le soir, à faire ses lectures ou sa correspondance, après avoir savouré sans la moindre gêne son thé solitaire, et cela lors même que M. Wilkins passait la soirée hors de chez lui, ce qui devint de plus en plus fréquent après que le temps eut effacé les premiers regrets du veuvage. En effet, de mieux en mieux venu aux meilleures tables du comté, le